Amélie RAMBOA-VERKEST – Enseignante de FLE

Amélie est belge, elle vit aujourd’hui à Versailles où elle achève un Master 2 spécialisé dans le FOS et le FOU. Elle partage avec nous son expérience de l’enseignement du FLE à Abu Dhabi et ses projets.

Q1. Tu es belge, tu parles aussi flamand. As-tu le sentiment qu‘être bilingue t’apporte auprès des étudiants ?

Au début de ma carrière, ça m’a apporté beaucoup, surtout lorsque je travaillais avec un public néerlandophone. Je pouvais mieux comprendre leurs erreurs. Par la suite, quand j’ai enseigné à d’autres publics, ça m’a permis de comprendre que parler ou apprendre la langue des apprenants, sans pour autant l’employer durant mes cours, me donnait la possibilité de les aider en les mettant en garde contre les traductions faites d’une langue à une autre, ou le piège qu’est de raisonner dans sa langue pour en utiliser une autre. Je pense qu’une langue étrangère est une fenêtre sur la culture de l’autre. Il n’y a que des avantages à parler d’autres langues !

Q2. Tu as notamment enseigné aux Émirats à Abu Dhabi. Peux-tu nous parler des institutions pour lesquelles tu as travaillé ?

En novembre 2011, lorsque mes papiers étaient en règle, j’ai enseigné à l’Alliance française d’Abu Dhabi. A l’époque, c’était une petite alliance très dynamique, en pleine expansion et animée par de nombreux projets. L’institution comptait deux TBI et le budget n’était pas maigre mais il fallait faire attention et elle ne pouvait financer tous les projets dont elle avait envie. Le corps professoral était très hétérogène de par la formation, les pratiques professionnelles et les nationalités des professeurs. La diversité des pratiques professionnelles présentait à la fois des avantages et des inconvénients. La section FLE aux enfants fonctionnait très bien, celle pour adultes aussi mais c’est plus sur le marché du français professionnel ou français des affaires, au sein d’entreprises, que l’institution avait besoin de se faire connaître pour se positionner.

En novembre 2012, j’ai été embauchée à la Sorbonne. Je ne dépendais pas du département des langues mais du département du droit et des sciences économiques. Dans ce département, j’étais la seule à faire du FLE ou plus précisément du FS juridique et du FOU. L’université est magnifique. Les locaux, le matériel et les moyens disponibles sont hallucinants. On est loin de faire un porte avions avec deux crayons et trois élastiques, comme c’est le cas dans de nombreuses institutions de langues. Les conditions de travail sont donc merveilleuses et permettent l’innovation et la diversité des techniques et des modalités de travail.

Q3. Peux-tu comparer le travail en Alliance et celui à l’université ?

Il s’agit là de deux choses très différentes.

À l’Alliance française, je faisais du FLE pour enfants et adultes (du niveau A.1.1. au niveau B2) et faisais également passer les examens du DELF et du TEFaQ. Il m’est arrivé de travailler à l’élaboration d’une banque de matériel pédagogique à destination des professeurs mais le travail était plus orienté sur le FLE « général ».

A la Sorbonne, je travaillais sur un projet pilote. Il fallait mettre au point un programme de FS juridique et de FOS (pour une méthodologie permettant aux apprenants de comprendre et analyser les arrêts de la Cour de cassation) tout en tenant compte du milieu universitaire, du niveau des élèves (entre B1 et B2) et de la méthodologie du FOU. Pas facile, mais ça a fonctionné et une grande partie de la méthodologie mise en place est toujours utilisée.

Il est à noter que les salaires n’étaient pas les mêmes. Mais ce qui était intéressant, c’était la diversité dans mon travail entre l’Alliance, les cours en entreprise (MUBADALA), les cours particuliers et la Sorbonne car le travail n’était jamais rébarbatif !

Q4. Quel est ton sentiment sur l’apprentissage de la langue française à Abu Dhabi ?

Je pense qu’il est en pleine expansion. Peut-être en partie parce que la France et les Émirats entretiennent de bonnes relations. Il est à noter qu’il y a une forte demande de cours privés et que l’offre de cours est souvent inférieure à la demande. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de professeurs, le problème réside plus dans leur formation et la pédagogie qu’ils emploient. Certains enseignent le français sans aucune formation et ne pensent pas à utiliser les nouvelles pratiques actionnelles ou à s’informer sur les pratiques du FLE.

Ainsi, lorsque je suis arrivée et que j’ai commencé à enseigner, de nombreux étudiants étaient charmés par mes techniques. Je ne pense pas être si extraordinaire que ça même s’il est certain que j’attache beaucoup d’importance à faire mon travail correctement. Lors d’un cours privé de FLE aux enfants, quand j’ai entendu deux de mes élèves me dire que leur professeur de l’année précédente leur avait dit que pour apprendre « être » et « avoir » il fallait les copier 20 fois… J’ai compris pourquoi mes jeux, mes petites cartes et mes chansons avaient grand succès !

Q5. Des conseils pour les profs de FLE qui aimeraient enseigner aux Émirats arabes Unis ?

En ce qui concerne les conseils pragmatiques, en terme de visa et papiers, il est difficile, mais pas impossible, de partir là-bas sans avoir un employeur. Il faut également savoir que les loyers sont assez chers et qu’il est préférable de négocier un logement avec l’institution. Chose que l’Alliance ne pouvait pas faire quand j’y étais mais que la Sorbonne faisait avec les professeurs FLE du département des langues.

C’est assez particulier comme pays, plutôt aseptisé et bling bling mais j’ai trouvé que c’était une bonne expérience de vie. Aussi, il ne faut pas négliger les différences culturelles (droit du travail, interdictions durant le Ramadan,…).

Q6. Quels sont tes projets actuels ?

D’un point de vue personnel, le grand projet de cette année, c’est l’arrivée de notre bébé pour début juin ! Je pense que ça va bien nous occuper.

En ce qui concerne le domaine professionnel, pour achever ma formation, il me reste mon mémoire de master 2 FLE/FLS en milieu scolaire et entrepreneurial à rendre. J’ai choisis de le faire sur le FS juridique. J’y travaille en ce moment et je suis assez confiante. Parallèlement, j’ai refait un site web professionnel (http://frenchyoucan.weebly.com) où j’ai ajouté un petit échantillon de matériel pédagogique créé par mes soins pour les professeurs et une séquence pédagogique de français juridique (niveau B1+/B2). Je dois encore mettre des activités pour les publics enfants et adultes et le français des affaires. Bref, c’est un nouveau « jouet » qui me permet de profiter de ma grossesse avec efficacité !

J’aimerais aussi faire quelque chose de la méthode que j’ai créée en français juridique sur l’analyse des arrêts de la Cour de cassation. Une maison d’édition intéressée par mon travail m’a contactée récemment, mais rien n’est encore vraiment fixé et défini. Selon mon planning, vers septembre 2015, je vais de nouveau être pleinement active sur le marché du travail et j’aimerais plutôt travailler dans le domaine du français juridique ou du français des affaires.

Le projet est en pause depuis 2019 mais les ressources restent en accès libre. :)
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