Claire Schepers – Enseignante de FLE, Blogueuse & Auto-entrepreneuse
Claire enseigne le français depuis maintenant 6 ans et elle est basée aux Pays-Bas où elle a décidé de passer au statut d’auto-entrepreneuse. Merci à elle pour ses réponses détaillées qui en intéresseront plus d’un à n’en pas douter !
Q1. Tu enseignes depuis plusieurs années aux Pays-Bas : quels conseils aurais-tu pour les enseignants souhaitant y travailler ?
Les Pays-Bas est un petit pays mais sachant que tout le monde fait un peu de français à l’école (minimum deux ans) et que beaucoup de Néerlandais vont en vacances en France, on y apprend pas mal le français. On parle d’une perte de vitesse dernièrement mais je ne la sens pas personnellement…
Il y a un réseau d’alliances françaises impressionnant (même si ce sont beaucoup de petites qui n’ont que quelques cours du soir et pas de locaux à elles), de la demande pour les profs en lycée (surtout natifs) et pas mal d’écoles privées en tout genre. Après, c’est comme un peu partout, hors du système scolaire, le statut de prof de FLE est assez précaire. Si vous êtes intéressé pour enseigner le français en collège ici, il existe un programme pour les natifs avec Europess Platform.
Sinon, je vous conseille de venir dans le pays et de frapper à toutes les portes. Avec le train, c’est facile de passer d’une ville à l’autre (quand je suis arrivée aux Pays-Bas, je travaillais à Utrecht, Rotterdam. La Haye et Amsterdam !), si vous êtes flexible, prêt à travailler à des heures où les autres s’amusent (soirs et samedis matins), vous trouverez du boulot ! La maitrise du néerlandais est un gros plus mais n’est pas obligatoire, tout le monde se débrouille en anglais.
Q2. Tu as décidé de te mettre à ton compte et d’offrir des prestations de service à des écoles. Pourquoi ce choix ? Quels en sont les avantages ?
Il y a eu plusieurs données qui m’ont poussée à faire ça. L’an dernier, j’ai eu la possibilité d’avoir un vrai contrat, quasiment à temps plein et qui pouvait se transformer en CDI au bout de quelques années dans une école supérieure. Et ça ne m’a pas convenu. Je préfère la diversité du travail pour plusieurs écoles. Je n’étais pas du tout intéressée par la partie administrative qui incombe aux profs ici dans ce système.
A côté de ça, la loi sur les contrats est en train de changer pour empêcher la multiplication des CDD (ce que proposent la plupart des écoles de FLE). Donc c’est un peu poussée par la nécessité que j’ai considéré l’option “auto-entrepreneur”. Et puis, je me suis dit que ça pouvait être l’opportunité de développer quelque chose. J’ai donc décidé de lancer un petit site pour aussi proposer des cours sur mesure aux particuliers. Tout en continuant en parallèle de travailler pour les écoles de langues.
Les avantages : je suis liiiiiibre. Je n’ai pas de limite en nombre de clients, je peux donc faire plein de choses différentes (mes élèves vont de 2 à 70 ans, je donne des cours de littérature, de français sur objectifs hyper spécifiques, je fais des ateliers cinéma, je fais le pitre avec des A1 et parle philo avec mes C1…). Je peux même faire autre chose que de l’enseignement : je développe à l’heure actuelle mon activité de rédactrice (j’écris pour d’autres qui signent). Après, ma petite entreprise est toute neuve, à voir à la fin de l’année, si ça se développe suffisamment pour en vivre décemment (il s’agit de voir aussi ce qui va partir en impôts). Et puis, bien sûr, il faut prendre en compte le fait que ne pas avoir de contrat veut dire aucune certitude sur les mois qui viennent (aucune idée de ce que je vais faire cet été par exemple, d’ailleurs si quelqu’un a une proposition, je suis tout ouïe…).
Q3. Tu participes à la formation de futurs enseignants de FLE non natifs dans le cadre d‘un Master de l’école supérieur d’Utrecht. Quel bilan ferais-tu de ces 3 années ?
C’est génial ! Bon, une réponse plus constructive peut-être ? Les masters de l’école supérieure sont en formation continue (en gros, ils sont profs de collège et reprennent les études pour être profs de lycée), ils sont donc déjà des profs expérimentés, ce qui fait qu’il y a beaucoup d’échanges intéressants sur la pédagogie et la didactique.
Ce sont des étudiants exigeants et avec un niveau de français assez haut, j’aime le défi que ça apporte. Et puis, depuis un an, on travaille pour mettre en place pour les masters et les licences un système de cours hybrides (plateforme de cours sur internet) avec l’idée de classe inversée. C’est hyper enrichissant de repenser la classe dans cette optique !
Q4. Tu aimes tout particulièrement enseigner aux enfants : qu’est-ce qui fait la particularité de ce genre de cours selon toi ?
Ça c’est une bonne question ! J’aime tout particulièrement travailler avec les petits (je propose des ateliers à partir de 1 an et j’ai beaucoup de cours 3/6 ans à mon actif) parce que leur rapport à la langue est très différent et les progrès sont moins prévisibles (un enfant peut passer six mois avant de dire un mot en français). Et puis, on s’amuse beaucoup… Je travaille avec l’idée de prendre en compte les intelligences multiples et on fait donc plein d’activités très différentes les unes des autres.
J’aimerais d’ailleurs prendre plus en compte les différentes intelligences dans mes cours pour adultes mais je ne sais pas trop comment amener ça. On ne trouve pas grand chose sur Internet à ce propos (tous les témoignages que j’ai trouvés sont des expériences avec les enfants) donc si quelqu’un qui passe par là est dans la même recherche que moi, je serai ravie d’échanger !
Q5. Tu viens tout juste de lancer un projet autour du dessin et des mots : quelles ont été tes motivations principales à le vouloir collaboratif ?
L’idée du projet autour du dessin est née d’un échange : j’avais partagé sur ma page Facebook un article parlant du livre de Sandrine Campese et une collègue a trouvé que c’était génial. Du coup, je lui ai proposé qu’on voit comment l’utiliser dans nos classes. Et puis, je me suis dit que ce serait bien de voir comment différentes personnes peuvent avoir des images différentes autour d’un mot…
L’échange avec les collègues (ici ou à l’autre bout du monde) est primordial dans ma vision du travail de prof de FLE mais l’échange entre apprenants, je trouve ça aussi intéressant. D’un côté comme de l’autre, on a bien plus d’idées quand on s’y met à plusieurs !