Nicolas – Enseignant FLE
Cette semaine, nous accueillons Nicolas pour les Mille et Un Visages du FLE. Enseignant à l’université Jiao Tong à Shanghaï, il nous parle de son parcours, des avantages à travailler en université plutôt que dans une Alliance et nous donne des conseils pour enseigner à des apprenants chinois. Merci Nicolas d’avoir répondu à nos questions… sans langue de bois !
Q1. Comment en es-tu venu à enseigner le FLE ?
Après mon bac, j’ai suivi un cursus de sciences humaines et sociales- histoire. Arrivé au niveau Master, j’ai fini par me rendre à l’évidence : faire de la recherche mon métier allait s’avérer très compliqué (eu égard au faible investissement dans la recherche dite “fondamentale”). En gros, pas assez de bourses de recherche et pas assez de moyens pour autofinancer ma thèse. Et pas question de passer le CAPES. Entre temps, j’étais parti une année en Irlande du Nord en tant qu’assistant de langues et l’expérience avait été très satisfaisante, donc j’ai naturellement bifurqué vers un Master FLE. Pour moi c’était la perspective d’avoir une activité de contact, d’échange, tout en allant vers les autres (c’est à dire en voyageant).
Q2. As-tu déjà travaillé en Alliance ? À présent, tu travailles pour L’université Jiao Tong à Shanghaï. Quels sont les principales différences selon toi ?
Je n’ai jamais travaillé en Alliance et je fais toujours de cette option mon dernier recours. Contrairement à certaines idées reçues, travailler en Alliance n’a rien de prestigieux ou d’avantageux. Les témoignages de collègues y ayant travaillé tendent généralement à me conforter dans cette idée. La précarité (faible rémunération, volumes horaires le plus souvent non garantis, direction parfois arbitraire,…) , la flexibilité exigée (le professeur doit se tenir à la disponibilité de l’institution) et le rapport de “clientélisme” entre les apprenants et l’institution m’ont toujours dissuadé de candidater. Il faut toutefois nuancer cet avis car la gestion des Alliances est très inégale d’une antenne à une autre.
À l’inverse, travailler en université offre un cadre beaucoup plus serein, transparent, avec des garanties fiables.
Q3. Tu as passé quelques années à enseigner en Chine, si je ne me trompe pas. Il faut quelques mois pour s‘adapter au public chinois, aux attentes, à la manière d’enseigner. Aurais-tu une anecdote à partager à ce sujet ?
Effectivement, le public chinois est très particulier mais, une fois cernés le profil et les attentes de ce public, c’est un régal ! Le commentaire le plus répandu parmi les professeurs de FLE qui travaillent en Chine est : “Qu’ils sont mignons !” Je dirais que c’est un public qui fonctionne d’abord à l’affect. Si vous avez ces étudiants “à la bonne”, ils vous suivront n’importe où et vous surprendront sans cesse. À l’inverse, si vous ne leur montrez pas un intérêt ou un respect suffisant, ils vous opposeront une résistance passive, certes polie, mais ferme.
Une anecdote ? Oui, deux même ! Mon premier semestre en Chine, j’avais un groupe de niveau licence avec lequel je devais faire un cours d’écriture que j’ai abordé trop sérieusement. Résultat : un taux d’absentéisme prodigieux et une ambiance de mort. Quelques mois plus tard, après avoir complètement revu mon approche, je les ai emmenés dans un supermarché faire une course de vitesse dans les rayons. Un vrai moment de complicité dans le n’importe quoi.
Q4. Tu as sûrement des conseils avisés à prodiguer aux enseignants tout frais débarqués.
Oui, ils se lisent entre les lignes de ma réponse précédente. Prenez le temps de découvrir vos étudiants personnellement, ne lésinez pas sur les jeux, trouvez des approches ludiques, même absurdes. En Chine, la relation entre l’apprenant et le professeur dépasse le cadre du cours. Certains étudiants rendent toujours visite à leurs professeurs à leur domicile personnel, des années après la fin de leur cycle. Sacrifiez de temps à autre à une séance de karaoke avec vos étudiants !
Q5. Comment envisages-tu le futur d‘un point de vue professionnel ? Penses-tu continuer dans l’enseignement du FLE ?
Non, bien sûr… Faire du FLE n’est, pour moi, pas viable sur le long terme à moins d’avoir les moyens financiers de monter sa propre structure. Et encore…Tôt ou tard, la question de la reconversion se pose donc. Me concernant, j’ai quelques idées en tête, aucune en relation avec l’enseignement.