Frédéric Lauray-Quantin – Enseignant de FLE & Concepteur d’Agito

Une rubrique 1001 visages spéciale pour ce numéro parce qu’on inverse les rôles ! Les habituels intervieweurs deviennent interviewés (y a pas de raison !). Et aujourd’hui c’est Frédéric Lauray-Quantin, le fondateur/créateur d’Agito qui répond à nos questions. En plus de ses activités sur Agito, Fred est aussi enseignant à Taïwan.

Q1. Comment as-tu découvert le FLE ?

C’est plutôt lui qui m’a trouvé ! Après des études de gestion d’entreprise à l’international, je suis parti au Japon avec un visa Vacances-Travail et l’association du PVT sur place m’a présenté à une école cherchant un prof. 13 ans plus tard, je baigne encore et plus que jamais dedans avec un gros penchant pour la création pédagogique. Je compare d’ailleurs bien souvent notre métier à celui d’un chef cuisinier : discuter directement avec les producteurs et fouiner pour trouver les meilleurs ingrédients ; passer de longues heures à expérimenter puis faire mijoter ses cours en cuisine ; servir les mets et observer les apprenants goûter, humer, partager, faire leurs propres mélanges et créer de nouvelles saveurs. La boucle est bouclée, on peut retourner à nos fourneaux.

Q2. Tu as beaucoup travaillé en Asie, tu aurais des conseils pour les profs qui voudraient y travailler ?

On le répète très souvent mais le facteur culturel est bien évidemment très important. Les habitudes de vie, tout comme les stratégies d’apprentissage, ne correspondent pas forcément à nos représentations. Je prendrai notamment l’exemple du Japon car c’est le pays où j’ai passé le plus de temps (plus de 10 ans) et c’est une nation bien souvent complètement idéalisée par nos médias et par les voyageurs de passage. Enseigner dans un pays, c’est avant tout y vivre et, à moins de rester enfermé dans la sphère francophone, c’est donc baigner dans un environnement qui déteindra peu à peu sur vous. Garder un esprit plus ouvert que jamais, ne pas juger sur les apparences comme on le fait si souvent en France et… en profiter ! Voilà mes trois conseils, d’une grande banalité certes, mais qu’il n’est pas toujours si évident de réellement mettre en pratique.

Q3. Tu as été professeur coordinateur, en quoi consiste ce travail et qu’as-tu retiré de cette expérience ?

Dans le cas de l’Institut Français où je travaillais, un professeur coordinateur était avant tout, selon moi, un facilitateur dans la mise en place de projets pédagogiques. Vous savez, toutes ces idées que les profs ont mais n’ont jamais le temps de concrétiser ? Les découvrir, en proposer soi-même, convaincre l’administration de leur utilité, fédérer des groupes d’enseignants autour de leur réalisation et les accompagner jusqu’au bout du projet : voilà une sélection assez représentative de ce que l’on fait en tant que professeur coordinateur. C’est ce que j’ai ressenti en tous cas.

Ce genre d’expérience est donc forcément très enrichissante car cette fonction vous amène à pénétrer dans ce que j’appellerai l’intimité pédagogique des profs. Le cloisonnement entre enseignants saute tout à coup et l’on découvre des pratiques et donc des réactions aux différents projets totalement insoupçonnées. Être exposé à cette hétérogénéité de pratiques, de points de vue et de manières d’être ne peut que vous amener à remettre en cause vos propres pratiques et représentations. « Il y a autant de manières d’enseigner que de profs », le dire et le vivre sont déjà deux choses différentes ; faciliter les échanges pour achever un objectif commun au sein de cette hétérogénéité est encore une étape au dessus. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler ce que nous faisons en classe avec nos apprenants… en plus difficile ! (rires)

Q4. Tu t’intéresses beaucoup à la technologie, comment sélectionnes-tu les outils que tu utilises dans tes pratiques de prof ?

Tout comme je le fais dans ma vie privée : je regarde avant tout si, pédagogiquement parlant, j’ai la possibilité de m’en passer ou non. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a un intérêt à intégrer cet outil, qu’il soit numérique ou non d’ailleurs. De manière générale, je ne focalise donc pas spécialement mon attention sur le fait d’intégrer les TICE comme on l’entend si souvent. J’ai des objectifs et j’utilise les moyens les plus adaptés pour y arriver.

Q5. Qu’est-ce qui t’a motivé à lancer Agito ?

En deux mots : un manque et une philosophie. Lorsque j’ai intégré le « réseau » des Alliances et Institut Français, je m’attendais à trouver une volonté générale et des outils globaux de coopération. 900 000 profs de FLE dans le monde et chacun fait sa tambouille dans son coin : quel gâchis ! Un manque d’outils et une manière de considérer l’enseignement proche de la philosophie du libre (entraide, coopération, accès des connaissances à tous,..) m’ont donc poussé à essayer de mettre ses outils en place – ce que je savais possible – et à mettre cette philosophie en avant pour attirer des enseignants envisageant l’éducation de la même manière que moi.

C’est d’ailleurs de là que vient le nom “Agito”. Agitare en latin, c’est « agiter, débattre, troubler, émouvoir, faire de l’agitation ». On y retrouve bien sûr la volonté de faire avancer les choses, d’agir. Mais cela rappelle aussi le concept de mélange car je trouve le monde éducatif bien trop cloisonné et nous avons beaucoup à apprendre d’autres disciplines comme le design par exemple.

Le projet est en pause depuis 2019 mais les ressources restent en accès libre. :)
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